Origines de la Calotte (M. Franckson)

Des origines de la Calotte

Par Michel FRANCKSON (1995)

1956 – 1999

Certains estiment que la Calotte d’étudiant trouve son origine dans le “Soli Deo” des clercs.  D’autres pensent qu’elle eut pour modèle le bonnet de volontaires de 1830 et qu’elle vit le jour en Janvier 1895, dans la mouvance de la Société Générale Bruxelloise des Etudiants Catholiques sous l’impulsion personnelle d’Edmond Carton de Wiart[1].  Mais il existe une autre hypothèse, plus ancienne, et qui rejoint notamment les traditions des étudiants liégeois.

Car, l’aurons nous assez répété, l’année 1995 marque le centenaire de l’Ordre Souverain de la Calotte.  Mais il n’est pas interdit de penser que le couvre-chef qui fait notre fierté et de plus antique et de plus prestigieux lignage que la défunte Gé-Bruxelloise.

Le dessin de L. JAMBERS, que nous reproduisons ici, représente le colback de grande tenue (troupe), modèle 1870 ,adopté par le corps des Zouaves pontificaux.  Il porte en sa partie supérieure, sur fond rouge, le noeud hongrois que nos Calottes ont conservé[2].

Laissons la parole à l’histoire militaire : “Le 17 Avril 1867, il fut adopté pour le corps une coiffure de grande tenue, sorte de colback en faux astrakan de laine noire, sans visière, à calot de drap rouge; une courte fourragère, terminée par un gland pendant à droite, le tout en laine rouge, ne faisait le tour.  (…)  Pour les officiers, le colback était en astrakan véritable, (et) le calot portait un noeud hongrois en soutache d’or.  (…)  De 1860 à 1867, la Belgique fournit 1315 recrues.  (…)  Au moment du licenciement du corps ( 20 Septembre 1870 ) , s’y trouvaient (…); 563 Belges dont 21 officiers. “[3]

Rappelons que l’année 1867 vit la troisième tentative des bandes de Garibaldi d’envahir les Etats pontificaux.  Un corps expéditionnaire français, envoyé par Napoléon III, les mit en déroute à Mentana.  Profitant de la guerre franco-allemande et de la défaite française, les troupes piémontaises de Victor-Emmanuel II occupèrent les Etats pontificaux, violant ainsi la Convention franco-piémontaise de Septembre 1864.  Elles entrèrent dans Rome le 20 Septembre 1870.

A cette époque, on l’a vu plus haut, des centaines de jeunes Belges s’engagèrent pour défendre la souveraineté temporelle du Pape.  Parmi ces braves, furent de nombreux étudiants, encouragés notamment par Mgr de Mérode.  Les libéraux (terme à prendre dans son sens le plus anticlérical, qui était celui du temps) éructaient feu et flammes, soutenant pour l’occasion qu’il n’était pas permis à un Belge de servir un autre souverain que le Roi des Belges.

Quelques anciens Zouaves ont-ils regagné l’Université de Louvain, et fondé la tradition que nous perpétuons ?  Ou bien, quelques années plus tard, les fondateurs de la Calotte d’étudiant se sont-ils inspirés de cette glorieuses page d’histoire ?  On ne sait.  Toujours est il que  l’analogie entre le colback des Zouaves pontificaux, amputé de sa plaque, de son aigrette et de fourragère, et la Calotte d’étudiant, nous parait trop grande pour être le fruit du hasard.

Quoi qu’il en soit, la Calotte est attestée à Gand dès 1884[4], ce qui semble exclure définitivement l’hypothèse bruxelloise.  Du reste, la création de la Gé Bruxelloise, de la Calotte et de l’Ordre qui s’y rapporte, au cours d’une seule et même année, de même que l’extension de ce couvre-chef, en un temps record, à Louvain, à Gand et à Liège (où une revue lui fut consacré en 1898) sont des hypothèse pour le moins aventurées…

Les couleurs des différents calots, qui existent encore ou qui existèrent jadis, semblent corroborer notre hypothèse.  La Calotte d’étudiant dut logiquement voir le jour à Louvain, puisque cette ville, aujourd’hui dédoublée, conserve le calot rouge originel.  Afin de se différencier, les Gantois adoptèrent le calot blanc (lequel, avec l’astrakan noir, produit les couleurs de la Cité des Comtes), et les Liégeois le calot vert (comme le drapeau offert, en 1860, par le Roi Léopold Ier aux étudiants principautaires).  Quant aux étudiants bruxellois, rappelons qu’ils portaient jadis le calot noir.  Le colback des Zouaves pontificaux est-il l’ancêtre de la Calotte d’étudiant ?  Nul ne pourrait l’affirmer avec certitude.  Mais cette hypothèse nous paraît, pour l’instant, la plus satisfaisante.  Nous espérons avoir suscité la vocation du chercheur qui, exhumant dans l’avenir des documents que nous ignorons, trouvera les pièces qui manque au puzzle, et nous donnera enfin la clef de l’énigme.


[1] Jacque Koot, Io Vivat, ou les Etudiants de l’Université, Bruxelles, chez l’auteur, 1983.

[2] Collection du Musée de l’Armée (Bruxelles).

[3] L. LECONTE, Les Belges au service de Rome, in Carnet de la Fourragère, IIè série, n° 3 , Décembre 1928.

[4] Almanach de la Générale gantoise des Etudiants catholiques, 1902 (sous la signature du Secrétaire F. VAN ERMENGEM ).

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